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Pièce(s) détachée(s)

Les fantaisies grinçantes de Toméo Vergès
Vanves. Avec Pièce(s) détachée(s), son nouveau spectacle pour cinq interprètes, Toméo Vergès consolide sa veine d'auteur de romans noirs chorégraphiques. Pas de cadavres en mille morceaux néanmoins dans les chambres froides de ce Catalan, fils de boucher, diplômé de médecine, qui sait que la peur est d'abord et avant tout intérieure. Sous l'influence des cinéastes Luis Buñuel, Alfred Hitchcock et David Lynch, auxquels il emprunte musiques et bribes de textes, ses psychodrames tricotés dans le droit-fil du quotidien taillent une camisole pour les gens ordinaires, ceux qui prennent par exemple un cendrier pour une béquille et une béquille pour un godemichet. C'est ce qui arrive à l'un des protagonistes de Pièce(s) détachée(s), un homme apparemment bien sous tous rapports qui sort tout à coup de ses gonds à force de s'arc-bouter contre le stress quotidien. De cette bouffée délirante aussi drôle que terrifiante, notre homme sort lessivé, prêt à se lancer dans un jeu de construction à base de tables de camping. Sur le plateau partiellement masqué par un rideau de plastique transparent, l'absurdité a la beauté d'un mobilier de fortune dans une ambiance de serre où toutes les plantes sont de la même espèce. Quand l'angoisse passe - on entend non seulement les mouches voler, mais les cuillères tourner dans les tasses à café -, on trépasse sous une couverture en fausse fourrure blanche à l'écoute des battements de son cœur. Toméo Vergès a le sens du silence, celui qui fait monter d'un cran l'adrénaline et le suspense, enflant les bruits les plus innocents jusqu'au cauchemar. Heureusement, celui-ci vire souvent burlesque chez Vergès, dont le goût pour le surréalisme le place au bord d'un gouffre gore. Au point d'ailleurs de basculer dans une sorte de comédie musicale. Pour se rassurer dans ce monde de dingues, que faire sinon danser ! Danser, ou plutôt se trémousser, sans façon, comme à la maison. Très théâtrale, la danse d'actions de Toméo Vergès réussit le prodige de s'impliquer dans le concret quotidien sans jamais sombrer dans le geste utile. Jamais illustrative, elle respire l'évidence en dépit de sa folle incongruité. Dans l'univers fracturé de ce chorégraphe expert en volte-face, elle rassemble, l'espace d'un court moment, les corps morcelés par l'anxiété. Sans doute ses collaborations avec les metteurs en scène Michel Deutsch, Jean Jourdheuil et Jean-François Peyret ont renforcé ce penchant pour le sens plus que pour le mouvement. Depuis 1992 et une mémorable Chair de poule dans laquelle il réglait son compte à la boucherie de son enfance, Toméo Vergès met en jeu les peurs, les pulsions qui bloquent l'accès au bonheur. Après s'être approprié un texte intrigant (Le Con d'Irène, d'Aragon) avec une économie de moyens plus que performante pour Asphyxies (1998), il ausculte un fait divers dans Pas de panique (1999), localisant le point névralgique de la terreur : le ventre. Anxiogènes et libérateurs, ses spectacles, conduits avec la complicité du très talentueux Alvaro Morell, font autant grincer de rire que rire tout court !
 

Rosita Boisseau, Le Monde, 26 février 2002

 

Petits tableaux savamment décalés
" Drôle d'ambiance ! Une cafétéria surgie de nulle part et où végètent de nombreuses plantes grasses prisonnières d'aquariums sert de toile de fond à une scène un peu étrange. Une musique genre série B envahit l'espace. Quelques bribes de récits accompagnées de grimaces très télévisuelles achèvent le tableau. La gestuelle, plutôt surréaliste dans un tel endroit, reste toujours pertinente, au point que l'on finirait presque par ne plus remarquer la danse. Pourtant, c'est elle qui donne à la pièce toute sa tonalité. Les danseurs-acteurs sont exceptionnels : l'humour tient presque à rien si ce n'est à leur performance, et on se laisse captiver par cet univers décalé qui pourrait vite sombrer à la déréliction... La mort parfois surgit au détour d'une phrase, elle passe puis elle est rattrapée par la vie. Mais Toméo Vergès sait éviter le drame et la gravité reste légère. "

Agnès Izrine, Danser, Mars 2002

 

"... Depuis qu'il fréquente assidument la scène nationale d'Aubusson, Toméo Vergès nous a le plus souvent fait trembler, et si par hasard il nous fait rire, c'est plutôt "jaune". Avec "Pièce(s) détachée(s)" il a réussi - entre deux frissons tout de même - à nous amuser franchement...Le public a "marché", happé dans ce tourbillon d'images surréalistes, ce collage rêvé de réalités quotidiennes. Sans panique ni chair de poule, il a suivi...surpris, et est sorti...heureux".

M.P. L'Echo du Centre, 6 février 2002

 

"De la musique, de la danse, de véritables scènes de théâtre, des monologues ont rythmé un spectacle où chacun s'est reconnu. Entre dérision et burlesque, le comédien et chorégraphe d'origine catalane s'impose comme un maître de l'absurde..."

Séverine Perrier, La Montagne, 31 janvier 2002

 

"... Pas d'histoire, pas de fil conducteur, pas de narration. Qu'importe puisque, justement, Toméo Vergès fait le pari du cut up, de la piste aussitôt lancée, aussitôt brouillée...A la joie physique et à la malice des comédiens répondent sans effort les rires de ceux qui, veinards, ont eu la très bonne idée de venir les découvrir."

F. Labendzki, La Voix du Nord, 18 janvier 2002

 

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